Sirius, la bonne étoile.
Contempler les étoiles, survivre, cheminer en évitant les dangers, en suivant pour seul guide le mensonge devenu promesse : celui qui vous force à dire et peut-être à penser que tout ira mieux ailleurs. Comme Avril et Kid, je vous invite aujourd’hui à suivre Sirius et à plonger dans un univers post-apocalyptique haletant sombre et noir … mais où les étoiles brillent encore parfois.
Le résumé :
Avril est une jeune fille débrouillarde, autonome, forte, courageuse, pleine de sang froid et de détermination. Des qualités nécessaires quand il s’agit de survivre à la fin du monde tout en prenant soin de Kid, son petit frère. Reclus, bien à l’abri de la folie des hommes, frère et soeur ont trouvé refuge et protection dans la forêt et dans l’Arbre, leur maison depuis cinq ans. Seuls et totalement autonomes, ils s’alimentent à l’aide des rations de survie qu’ils trouvent dans des capsules perdues en forêt, ravitaillant parfois au passage la gentille Madame Mô.
Portant en elle le souvenir et le deuil d’un monde perdu, mais aussi le secret d’une vie passée et douloureuse, Avril tente envers et contre tous d’éduquer le tout jeune Kid, de lui transmettre ce que ce monde a perdu : le souvenir des oiseaux, des tartines de confiture, des baignades dans le lac … Car tous deux ne vivent désormais que dans un monde à l’agonie. Tous les animaux sont morts, les lieux sont parfois contaminés, la terre est devenue stérile. Il ne reste plus que de rares insectes, des racines et quelques capsules de survie.
Dans ce monde de poussière où les étoiles meurent et tombent du ciel, l’un des dangers auxquels sont confrontés Avril et Kid réside dans Les Étoiles noires, des miliciens, des combattants fanatiques et meurtriers qui ne reculent devant rien. Pris en chasse et menacés, il est temps pour Kid et Avril de quitter l’Arbre et de trouver un autre refuge. Et quand la menace des Étoiles noires coïncide avec l’arrivée de Siruis, signal promis par Avril qu’il sera temps de partir, il n’y a plus à hésiter. Poussée par la peur et enchaînée à un mensonge auquel Kid croit plus que tout, Avril n’a plus le choix. Frère et soeur s’élancent en compagnie de Sirius, compagnon inattendu vers La Montagne, cette quête, cette promesse illusoire de retrouver une vie meilleure, une vie d’avant la catastrophe au côté de Pa et Ma.
Menaces, dangers et rencontres émaillent alors le long chemin entrepris à pied par les deux héros. Un périple sans pareil s’offre à eux et plonge le lecteur dans une atmosphère silencieuse et feutrée. Traversant la forêt froide et brumeuse et chargée d’odeurs lourdes, mais aussi des terres stériles et contaminées, lecteur et personnages arpentent côte à côte ce monde agonisant et meurtrier, cette carcasse de nature aussi fragile qu’une coquille vide et stérile. Accompagné d’Avril, de Kid et de bien sûr Sirius le bien-nommé, rencontrez aussi le Conteur, Ésope, Un et Artos et embarquez pour une odyssée difficile et incertaine, à moins que peu à peu cette foi, cet étrange espoir qui anime Kid, enfant si particulier, ne finisse vous aussi par vous habiter.
« Le monde ne lui avait jamais paru aussi beau que depuis qu’elle avait compris qu’il était en train de disparaître. »
« Quand les dernières rations que contenaient les capsules auraient été consommées, il faudrait se résoudre à manger les dernières racines. L’homme était appelé assez conduire comme un animal. Un insecte. Ils rongeraient alors le monde comment croque dans un trognon, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. »
Mon avis :
Sirius est un roman jeunesse comme je les aime : haletant, dense, mais rythmé, bien écrit et où les personnages et les univers ont une réelle profondeur. Les chapitres sont courts, mais tout n’est pas que dialogue et facilité, l’auteur laisse en effet parfois la place à la description sans en assommer pour autant le lecteur. Comme un voile léger, Stephane Servant parvient en effet à installer en quelques lignes un décor que je trouve paradoxalement à la fois luxuriant et lunaire. Le lecteur baigne ainsi dans une vraie atmosphère. Ce monde à l’agonie, décrit par l’auteur et dans lequel on chemine au côté des personnages, a du corps et vous enveloppe. Vous l’avez compris, cette atmosphère, ce monde mourant, ces sortes de limbes dans lesquelles errent Avril et Kid, sont ce que j’ai peut-être le plus apprécié.
J’aime beaucoup aussi à l’image de Siruis, ce genre de lecture instinctive. Celles où le lecteur sent qu’il va se passer quelque chose, où le suspens et le mystère vous donnent envie de tourner les pages. Ici, l’air de rien, Stéphane Servant conclut souvent habilement ses chapitres et en deux phrases parvient à faire naître en vous ce besoin irrépressible de passer au chapitre suivant. J’ai aussi été sensible à son écriture pour moi simple, nette, parfois ciselée comme pour dire avec efficacité et naturel la cruauté du monde si particulier dans lequel vivent Kid et Avril. Et pour ne rien gâcher, je me suis parfois délectée d’une ligne, de deux phrases posées là, belles et fortes à la fois.
Si d’ordinaire je suis méfiante vis-à-vis des romans post-apocalyptiques, je dois dire que j’y ai trouvé cette fois la noirceur adéquate et attendue dans ce genre d’univers, mais aussi beaucoup de douceur. Notamment grâce aux personnages (principaux et secondaires) dont je pourrais vous parler encore ici pendant des heures … Là où Siruis brille encore, c’est par sa capacité à allier aventure, mystère, suspens et action dans une sorte de fable écologique. Le roman dévoile en effet au fur et à mesure un véritable chant de la Nature et de la vie, mais sans se faire moralisateur, ou donneur de leçon pour autant. Ici, le lecteur tire seul les conclusions et les leçons de sa lecture, l’auteur lui ouvrant la porte de la réflexion et c’est ce que j’ai aussi beaucoup aimé.
Sachez toutefois que si je me suis glissée avec facilité dans ma lecture, il me semble pourtant évident que ce roman ne s’adresse qu’à des élèves qui seraient déjà des lecteurs aguerris. Les personnages croisent la route de nombreux autres, ils cheminent et fréquentent d’autres lieux, tandis que le passé se rappelle souvent à eux. Et sans trop vous en dire, narration et point de vue évoluent dans certains chapitres. Plaisant pour les amoureux des livres, mais parfois compliqué pour nos petits lecteurs.
Si vous aussi vous avez voyagé sous l’égide de Sirius, n’hésitez pas j’adorerais connaitre votre avis ! Céline.