Chroniques

Le sang d’encre

La cité de Kaalun est en proie à un mal grandissant qui ne fait pas grand cas des ascendances de chacun et chacune. Qu’on soit fils de roi, marchand, professeur, bonimenteur … il n’existe aucune assurance contre cette terrible épidémie qui gâte la peau et recouvre votre corps d’écailles, de traces, crevasses et gerçures d’où perlent des sillons bleu-nuit… Des gourbis à la chambre princière, partout le mal sévit. Quand les plus pauvres se tournent vers Olga-La Noire, la guérisseuse aux pieds nus, au caractère aussi hirsute que sa chevelure, c’est tout le château qui tend l’oreille et prête attention à celle qui dit-on parvient à apaiser. Un ordre du roi et voilà la sauvageonne qui exècre les nantis contrainte de vivre au château et d’apporter son aide …

Dans ce premier tome Nena Labussiere pose les jalons d’un royaume ou insidieusement, mais inévitablement tout vacille. Complots, trône, épidémie, prophétie, on a là tous les ingrédients d’une certitude : l’imminence d’une catastrophe, d’un drame à venir. On fomente des plans, projette des prises de pouvoirs, on assiste à la naissance des ambitions, au destin de personnages en constante évolution en attendant impatiemment l’acmé, l’apothéose (et donc vite, vite, vite un volume 2 !)


La maîtrise de l’intrigue est parfaite, de secret en révélations, l’autrice élucide un mystère pour en faire naître deux autres. Les ficelles de son récit sont toutes à la fois d’une incroyable complexité et en même temps toutes tendues vers un même objectif. Magistralement se mettent en place les rouages d’une narration taillée au millimètre où tout s’imbriquent parfaitement avec style et fluidité. On ne compte plus les relances et les retournements de situation, pas une ligne où on s’ennuie, c’est brillant et addictif !


L’autrice cisèle avec maîtrise, sans jamais tomber dans le procédé, des sections courtes et dynamiques qui connaissent une fin impulsée, une relance sur la dernière ligne si habile, qu’on englouti littéralement les 500 pages de ce premier opus !


Le texte est ponctué de trouvailles linguistiques, d’un glossaire et d’une imagination qui façonnent intelligemment et naturellement un univers d’une incroyable richesse. Et si vous pensez que cela ne pourrait être qu’action et cliffanger, détrompez-vous, car c’est diablement bien écrit ! 


Un roman chorale où chaque personnage à une épaisseur psychologique, un passé, un destin bien à lui ! Les femmes sont des personnages forts, de pouvoir, parfois revêches, grossières … les hommes sont parfois faibles, fragiles, figés dans leurs douleurs … un équilibre naturel qu’il est délicieux de lire. Les seconds couteaux savoureux et attachants, richement construits tirent leur épingle du jeu et touchent tout autant le lecteur. 


Un roman qui se hisse pour moi au rang des meilleurs romans de littérature jeunesse de ces dernières années !

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